4e de couverture
Comment mesure-t-on une vie ? Peut-elle se stérer en poèmes, comme on compte les pieds dans un alexandrin ? Que reste-t-il de nous quand nous ne sommes plus ?
À sa mort en 1886, Emily Dickinson a laissé derrière elle, pêle-mêle, des centaines de textes griffonnés sur des bouts de papier que sa soeur Lavinia découvre avec stupéfaction. Elle en confiera la publication à Mabel Loomis Todd, la maîtresse de leur frère. Sans ces deux femmes, et l’apport de Susan Gilbert Dickinson, belle-soeur et amie de coeur d’Emily, le monde n’aurait jamais rien connu de cette formidable oeuvre fantôme, sans doute l’entreprise poétique la plus singulière de toute l’histoire de la littérature américaine.
Les ombres blanches reprend l’histoire là où se terminait Les villes de papier, pour en raconter la suite improbable, quasi miraculeuse : la naissance d’un livre des années après la mort de son auteure. Dans ces pages sensibles et lumineuses, Dominique Fortier explore, à travers la poésie de Dickinson, le pouvoir mystérieux qu’exercent les livres sur nos vies, et sonde le caractère à la fois fragile et nécessaire de la littérature.
Mon avis
Comment peut-on définir une claque quand elle est assénée tout en douceur, comme ce que vient de faire Dominique Fortier ?
Ce livre, mêlant la fiction, la poésie, la biographie, se veut une sorte de suite de son précédent opus Les villes de papier, paru en 2018. Emily Dickinson est morte, Dominique Fortier s’immisce alors dans la vie des personnes qui l’ont connue, qui l’ont aimée et admirée pour imaginer leur état d’esprit entourant l’édition de ses poèmes.
À l’instar des vers d’Emily Dickinson, c’est tout en poésie que l’autrice nous entraîne dans cette biographie fictionnelle. Chaque personne vit de manière différente la disparition de la poétesse et de ce fait, n’a pas le même souhait concernant la parution de son œuvre. Si tous s’entendent pour reconnaître son génie, certains veulent conserver les textes de manière aussi intacts que possible pour n’en rien dénaturer alors que d’autres veulent y mettre leur touche personnelle, pour espérer exister dans l’ombre de Dickinson.
Au-delà des faits qui servent de prétexte au roman, l’écriture de Dominique Fortier vaut à elle seule tout l’intérêt qu’on peut y porter. C’est empreint d’une grande douceur, d’une petite part de féminisme, de tendresse. D. Fortier fait l’apologie du fait de prendre son temps. Elle dit d’ailleurs elle-même qu’elle aurait aimé vivre au XIXe siècle, dans cette époque où l’on pouvait prendre le temps de vivre, de respirer la nature, d’observer les oiseaux…
L’amour intense que l’autrice ressent pour la poétesse est palpable. À travers son récit, elle exprime toute l’admiration qu’elle porte à son aînée et transmet par là même, l’amour de la littérature et des mots.
Je ne sais quel but Dominique Fortier cherchait à atteindre en écrivant ce livre (si tant est qu’elle avait un en tête), il n’en reste pas moins qu’elle m’a touchée en plein coeur, en plus d’accentuer mon envie de découvrir l’œuvre d’Emily Dickinson. En cela, je pense que son pari est largement réussi !
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