
Info Edition
Bibliothèque Québécoise – 2022
96 pages
4e de couverture
Anouk a quitté son appartement confortable de Montréal pour un refuge forestier délabré au Kamouraska. Encabanée loin de tout dans le plus rude des hivers, elle livre son récit sous forme de carnet de bord, avec en prime listes et dessins. Cherchant à apprivoiser son mode de vie frugal et à chasser sa peur, elle couche sur papier la métamorphose qui s’opère en elle : la peur du noir et des coyotes fait place à l’émerveillement ; le dégoût du système, à l’espoir ; les difficultés du quotidien, au perfectionnement des techniques de déneigement, de chauffage du poêle, de cohabitation avec les bêtes qui règnent dans la forêt boréale?
« Encabanée » est un voyage au creux des bois et de soi. Une quête de sens loin de la civilisation. Un retour aux sources. Le pèlerinage nécessaire pour revisiter ses racines québécoises, avec la rigueur des premiers campements de la colonie et une bibliothèque de poètes pour ne pas perdre le nord.
Mais faut-il aller jusqu’à habiter le territoire pour mieux le défendre ?
Mon avis
On peut dire que Gabrielle Filteau-Chiba m’a totalement embarquée avec ce court roman qui mêle la nature dans tout ce qu’elle a de plus sauvage et une psychologie très introspective.
Alors que l’autrice a fait le choix de fictionnaliser son récit par le biais de sa narratrice, la puissance du réel donne une immense force au récit. J’ai d’ailleurs crû pendant une bonne partie du roman que tout ce qui était raconté provenait du vécu de l’autrice.
Anouk passe de son émerveillement de la nature qui l’entoure à des digressions sur la société quelque peu gangrénée qu’elle a voulu fuir. Rien n’est pourtant si simple, puisque la nature peut parfois devenir particulièrement hostile lorsqu’on se retrouve seule au cœur de la forêt, en plein hiver. La société peut, quant à elle, devenir attirante quand elle débarque sous les traits d’un concitoyen sympathique…
Comment fait-on pour s’éviter l’usure, le cynisme, l’apathie quand le peuple plie et s’agenouille devant l’autorité, consentant comme un cornouiller qui ne capte plus de rêves?
p.17
L’écriture, à la fois sensible et sincère, est parfaitement équilibrée. On y trouve certains passages particulièrement poétiques et d’autres beaucoup plus bruts décrivant tour à tour la douceur de la narratrice et sa colère permanente. Anouk est emplie de questionnements sans réponses, montrant toute son humanité et ses doutes au fur et à mesure de l’avancée de son expérience.
Je ne veux pas de votre argent, ni vivre l’asservissement du neuf à cinq et ne jamais avoir le temps de danser. Rêver d’un bal comme d’une retraite anticipée ou d’un voyage tout inclus avec un prince de Walt Disney. Pas pour moi. Je veux marcher dans le bois sans jamais penser au temps. Je n’ai pas besoin de montre, d’assurances, d’hormones synthétiques, de colorant à cheveux, de piscine hors terre, de cellulaire plus intelligent que moi, d’un GPS pour guider mes pas, de sacoche griffée, de vêtements neufs, d’avortements cliniques, de cache-cernes, d’antisudorifiques bourrés d’aluminium, d’un faux diamant collé sur une de mes canines, ni d’amies qui me jalousent. De toutes ces choses qui forment le mirage d’une vie réussie. Consommer pour combler un vide tellement profond qu’il donne le vertige.
p.26
J’ai lu ce livre d’un seul souffle, sans pouvoir m’arrêter. Je vais m’empresser de me procurer les autres tomes de cette trilogie mais je peux déjà affirmer que c’est une magnifique rencontre de lecture.
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